Le Brexit a provoqué depuis le 24 juin une série de réactions à travers le monde et notamment chez les français vivant au Royaume Uni. Entre la presse anglaise et française, nous allons tenter de faire le point sur les domaines patrimoniaux qui concernent les français non-résidents en Grande Bretagne, avec l’aide de Jerome Giet, du Cabinet Equance, specialise en Gestion Privée Internationale.
Tout d’abord il faut rappeler que juridiquement le Royaume Uni fait encore parti de l’UE. La procédure d’activation de l’article 50 du Traité de Lisbonne qui prévoit un mécanisme de retrait volontaire et unilatéral d’un pays de l’Union européenne ne devrait pas se faire avant plusieurs mois, et cette décision reste dans les mains des membres du Parlement, souverains en la matière, car représentant les intérêts du peuple britannique.
Le Brexit et ses possibles impacts en matière familiale et successorale : en cas de divorce par exemple entre une personne anglaise et une personne française, le règlement dit « Bruxelles 2 bis » de 2003 pose les règles du « divorce européen » et pose comme principe que « la juridiction saisie en 2nd lieu sursoie d’office à statuer jusqu’à ce que la compétence de la juridiction première saisie soit établie ». Le droit national du pays saisi en premier, français ou anglais, s’appliquerait alors, même en cas de contrat de mariage rédigé en France. En cas de Brexit, ce règlement pourrait être remis en cause et ainsi l’harmonisation des droits du divorce au sein de la coopération judiciaire européenne. On pourrait alors imaginer 2 jugements de divorce différents avec des applications différentes sur 2 territoires distincts. Remplacer ce règlement pourrait être fait si le Royaume Uni décidait de conclure des accords bilatéraux avec chacun des pays membres de l’Union. Si vous voulez que certaines dispositions soient respectées, nous conseillons de rédiger au Royaume Uni un « post nuptial agreement » auprès d’un solicitor anglais. Ce post nuptial agreement rassemblera les principaux éléments du patrimoine du couple et leurs origines : les biens mobiliers et immobiliers, les dettes contractées, présentes et à venir, les revenus et les biens reçus en héritage, les effets personnels (bijoux, bien de famille), l’organisation du partage en cas de séparation, etc.
Concernant les successions, le Brexit ne devrait pas avoir d’impacts sur le règlement civil des successions internationales car le Royaume Uni n’a pas ratifié le décret du 17 Aout 2015 instituant de nouvelles règles pour les successions internationales.
Le Brexit et ses possibles impacts en cas de détention d’un portefeuille titre composé d’actions : si vous percevez, ou percevrez des dividendes d’un portefeuille d’actions situé en France, l’établissement teneur de compte effectuera une retenue à la source de 21% si vous êtes résident dans un pays de l’UE, ou de 30% hors UE selon les articles 119 bis 2 et 187 du Code General des Impôts. Nous voyons alors immédiatement l’impact d’une sortie du Royaume Uni de l’Union Européenne, où le traitement sera nettement moins favorable en cas de Brexit, sauf à faire prévaloir un taux de taxation conventionnel entre la France et le Royaume Uni, mais quoiqu’il en soit cela sera sans doute plus cher (9% supplémentaires) et/ou plus compliqué.
Le Brexit et ses possibles impacts sur un PEA comportant des actions anglaises : le Plan d’Épargne en Actions permet d’acquérir, dans la limite de 150.000€, un portefeuille d’actions d’entreprises européennes, à l’exclusion de la Suisse, sous conditions, tout en bénéficiant d’une exonération d’impôts. Si le PEA comporte des actions de sociétés anglaises, en cas de Brexit, il pourrait y avoir un risque de clôture du PEA pour non-respect des règles de fonctionnement. Il y aurait alors taxation immédiate des plus-values latentes avec les prélèvements sociaux pour les résidents français, et l’impôt sur les plus-values latentes pour les non-résidents. Si cela se produisait il y aurait probablement des aménagements prévus entre l’administration fiscale française et anglaise, avant que le Brexit ne soit effectif. Une parade pourrait-elle être d’invoquer la « clause du grand père » ? En effet au moment de la constitution du PEA, le titre sur les sociétés anglaises était éligible et a été acheté de bonne foi ; pour le futur, il ne pourra par contre plus être ajouté dans le PEA.
Le Brexit et ses possibles impacts sur l’assurance-vie : l’assurance vie constitue le placement préféré des français, qu’ils résident en France ou à l’étranger, avec 135 milliards d’euros collectés en 2015, en hausse de près de 5% par rapport à 2014. Le risque en matière de Brexit est que les sociétés d’assurance ne pourront plus proposer les mêmes produits et services au titre de la libre prestation de service en cas de Brexit. Il faudra alors un agrément local pour cela, avec des règles beaucoup plus contraignantes et un traitement de l’assurance vie spécifique répondant aux règles anglaises. Notons que s’il y a un changement des règles, elles ne seront pas applicables aux contrats déjà ouverts. Donc notre recommandation est de souscrire au plus vite aux contrats d’assurance-vie que vous projetiez de signer. Rappelons enfin que parmi les nombreux avantages du contrat d’assurance-vie luxembourgeois, la neutralité fiscale du contrat permettra l’unique taxation dans le pays de résidence.
Le Brexit et ses possibles impacts sur l’exit tax : au moment de quitter le territoire français, l’administration française fait une « photo » des plus-values latentes pour évaluer l’impôt potentiellement dû en cas de vente dans les 15 ans suivants (art 167 bis du CGI). Il concerne notamment le portefeuille-titres de plus de 800.000€ ou les participations familiales de plus de 50% dans des entreprises. En cas de départ du contribuable français pour un autre pays de l’Union Européenne, ou pour un pays avec qui la France a une convention d’assistance fiscale, l’administration fiscale ne demande pas de garantie. Il faudra alors que le Royaume Uni maintienne sa convention avec la France pour que les français concernés conservent cet avantage.
Le Brexit et ses possibles impacts sur la couverture santé : la couverture santé anglaise (NHS) permet actuellement de bénéficier d’un remboursement partiel ou total des soins dont un français résident au Royaume Uni pourrait avoir besoin dans l’espace économique européen en vertu de l’EHIC (European Health Insurance Card que l’on connait en France sous le formulaire E111). Le territoire de cet couverture comporte l’Union Européenne, l’Islande, la Norvège, le Liechtenstein et la Suisse. Cette couverture couvre notamment les frais de santé durant votre séjour dans cet espace européen, la continuité des soins en cas de traitement existant avant votre départ, ou le suivi de votre grossesse. En cas de sortie de la Grande Bretagne de l’Union Européenne, il faudrait alors se conformer aux accords bilatéraux qui seraient signés avec chaque pays pour voir quels soins seraient pris en charge et dans quelle mesure.
Le Brexit et ses possibles impacts sur les plans de pension : durant la carrière de bon nombre de salariés français au Royaume Uni, ou de façon libre pour les indépendants, un plan de pension leur est proposé. Ainsi chaque mois, le salarié y transfert une partie de son salaire, que l’entreprise complète d’un pourcentage défini. Au moment du départ en retraite, le salarié pourra alors bénéficier de ce plan de pension. Il est à constater que dans la majorité des cas, les familles françaises ou binationales choisissent de passer leur retraite en France. Pour cela l’administration fiscale du Royaume Uni a établi une liste de supports financiers avec la plupart des pays, et notamment de l’Union Européenne, afin de pouvoir y transférer librement et sans fiscalité, le montant du plan de pension à son échéance, ou la provision mathématique avant le terme du contrat anglais. Cet accord a été remis en cause fin 2016, puisque l’administration fiscale anglaise a retiré de la liste les produits de retraite éligibles français et italiens.
Toutes ces éventualités sont bien évidemment à mettre au conditionnel car comme nous le disions en introduction, le Royaume Uni fait toujours partie de l’UE. Le but de cette note est bien d’anticiper au mieux les choix possibles que les français non-résidents au Royaume Uni auront peut-être à faire dans les prochains mois ou les prochaines années.
Pour plus d’information, et pour des conseils spécialisés, vous pouvez contacter Jerome Giet du cabinet Equance.
Retour au blog